"-Alors, Socrate, ce lycée Jean-Baptiste Dumas ?

-Mon bon Demos, le lycée je ne lui ai pas parlé. Par contre, j'ai vu des lycéens, oui, et des lycéennes, pardi, toute une flopée d'élèves, la salle en était remplie.

-Ah, et sais-tu qui ils étaient ?

-Des lycéens, je te l'ai dit. Et des lycéennes, pardi.

-Oui, Socrate, mais qui étaient-ils ?

-Ils étaient l'avenir. Ils nous ont écouté, ils nous ont applaudi, je ne sais pas si cela les aura transformé ni s'ils auront compris.

-Mais Socrate, tu ne me diras donc pas leur classe ? Et leur professeur ? Et...

-Allons mon bon Demos, est-ce là ce que tu veux vraiment savoir ? Cela t'intéresse-t-il vraiment de savoir qu'il y avait là tous les élèves de la spécialité HLP, première comme terminale, ainsi que trois classes de terminale générale ? Non, mon bon Demos. Est-ce vraiment essentiel que je te dise que ce sont bien sûr leurs professeurs de philosophie qui nous ont invité ? Voyons, Demos, tu te gausses. Je sais bien ce que tu veux m'entendre dire.

-Ah, et de quoi s'agit-il Socrate ?

-Tu veux savoir de quoi nous avons parlé. Tu voudrais que, rien que pour toi, je recommence à parler. Mais après tout, si cela peut te servir aussi, pourquoi pas.

-Socrate, mon cher Socrate, je ne suis pas sûr d'avoir le temps, je voulais juste savoir quels élèves...

-Oui, oui, c'est bon, tu as gagné, je vais te le dire. Par le chien, il n'est pas facile de te dire non, Demos.

-Mais Socrate...

-Il y avait Gorgias, figure-toi.

-Gorgias ?

-Allons, cesse de te moquer, veux-tu ? Gorgias, le sophiste.

-Ah, oui, celui-là. J'ai dû le croiser au CDI. J'ai vu un livre, L'éloge d'Hélène, est-ce le même Gorgias ?

-Celui-là même. Donc, il y avait Gorgias, et moi je n'ai pas pu m'empêcher de lui dire.

-De lui dire quoi ?

-Eh bien, tu le sais, ce que je pense de la rhétorique.

-Ah oui, bien sûr, l'arrêt Torique. C'est une jurisprudence américaine, non ?

-Allons, Demos, la rhétorique, l'art des discours. Je lui ai dit, moi, ce que j'en pensais. Je lui ai dit que ce n'était qu'une flatterie, qui nous détourne de bien penser concernant la justice. 

-Cela n'a pas dû lui plaire.

-Pas trop.

-Et ensuite ?

-Après, nous avons rangé la scène, d'ailleurs les élèves nous ont aidé, comme pour l'installation, où de braves élèves de seconde qui attendaient la suite dans le hall ont...

-Mais non, Socrate, et après la flatterie ? Je veux savoir désormais, tu ne vas pas t'en tirer comme ça !

-Va, je suis fatigué Demos, oui, nous avons parlé encore, avec Pollos, avec Calliclès surtout, nous avons cherché quelle vie il fallait vivre, une vie de justice ou de plaisirs.

-Et donc ?

-Bah, Demos, tu sais, tout cela est déjà écrit.

-Ah, te voilà fataliste désormais ? Je ne te pensais pas stoïcien !

-Mais non, déjà écrit, dans un livre. Le Gorgias. Par Platon. Tu m'as pris pour le vrai Socrate, Demos ?

-Allons, du tout, voyons, quelle idée.

-Nous étions quatre sur scène, de la Compagnie des Amis de Platon, et nous avons donné vie au texte de Platon le Gorgias, ce vendredi 8 mars au lycée Jean-Baptiste Dumas. Et la veille, à Toulouse. Et l'avant-veille, à Bagnols, et le lendemain, à Prévert. On dirait que la philosophie a le vent en poupe !"

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